entre paysannerie et poésie à la ferme des petites vergnes
J’ai eu envie de retourner voir la ferme à laquelle j’allais souvent petite avec mes parents, c’était à quelques kilomètres d’où nous habitions. Aujourd’hui, plusieurs paysans se partagent les terres de cette ferme. J’ai pris contact avec Mariannick, productrice d’herbes médicinales, afin de la rencontrer et d’échanger sur son expérience. Voici en quelques images et textes les récits de notre rencontre.
Extraits de nos mails avant la rencontre :
Mariannick : “Cette année est particulière, car j'ai mis de côté mon activité liée aux plantes. Non pas que je sois complètement coupée des Petits Vergnes ni de ce qui s'y passe, j'ai juste eu besoin de faire une pause après presque 10 ans à produire, récolter et vendre mes tisanes. Je suis aussi maman depuis l'an dernier et cela a largement contribué à la pause que je m'octroie actuellement.”
Solène : “J'étais très heureuse de te lire et d'en apprendre un peu plus sur ton projet, mais aussi sur le fait que tu sois jeune maman ! Cette expérience que tu vis d'être jeune mère, productrice d’herbes médicinale (avant ta maternité) tout en étant au sein de la culture paysanne, suscite en moi de nombreuses interrogations. La photographie m'offre la possibilité d'explorer ces thèmes.”
Mariannick : “Cette année est particulière, car j'ai mis de côté mon activité liée aux plantes. Non pas que je sois complètement coupée des Petits Vergnes ni de ce qui s'y passe, j'ai juste eu besoin de faire une pause après presque 10 ans à produire, récolter et vendre mes tisanes. Je suis aussi maman depuis l'an dernier et cela a largement contribué à la pause que je m'octroie actuellement.”
Solène : “J'étais très heureuse de te lire et d'en apprendre un peu plus sur ton projet, mais aussi sur le fait que tu sois jeune maman ! Cette expérience que tu vis d'être jeune mère, productrice d’herbes médicinale (avant ta maternité) tout en étant au sein de la culture paysanne, suscite en moi de nombreuses interrogations. La photographie m'offre la possibilité d'explorer ces thèmes.”
Nous récoltons les fleurs de Mauve. Actuellement, une autre personne prend soin de la parcelle dédiée aux plantes médicinales. Mariannick apprécie d’autant plus cette cueillette, car ce n’est pas une nécessité, la parcelle a déjà été récoltée récemment, de nouvelles fleurs se sont ouvertes entre-temps. Elle me montre comment les boutons de fleurs sont pliés et comment elles s’ouvrent. Déplier une fleur nous fait penser aux origamis. Je demande quelles sont les fleurs que je peux récolter, et je comprends que c’est mieux de les cueillir lorsque les boutons viennent juste d’éclore. Les fleurs dans lesquelles on voit de petits grains de pollen sont celles qui viennent de s’ouvrir. Les boutons continueront à s'épanouir tout l’été, à condition qu’il ne fasse ni trop chaud, ni trop sec. Avec la floraison, tout va très vite. La fleur fleurit puis se flétrit. Tous les jours, il faut y retourner pour faire la cueillette.
Mariannick me raconte que sa relation avec le vivant pouvait être biaisée par le besoin de production de son activité. Elle a remarqué, par exemple, être beaucoup moins anxieuse face aux aléas de la météo depuis cette année. Avec les outils modernes de prévision météorologique, elle me dit qu’il est facile de vivre toujours dans le futur, de projeter le travail que l’on va pouvoir faire en fonction du temps. La pause qu’elle s’octroie lui permet de renouer avec le moment présent, de vivre sans trop d’appréhension concernant la météo future. Cultiver et produire des plantes médicinales, ce n’est pas un métier qu’elle s’imaginait faire. Elle a étudié d’abord les arts plastiques. Puis, elle s'est tournée vers un BTS horticole, ce qui a marqué le début de son “retour à la terre”. Ses parents étaient agriculteurs, elle a appris à reconnaître ce métier, elle est passée de la honte à l’acceptation, puis à l’envie d’en faire son métier à sa manière. Cela correspondait à un certain besoin d’indépendance et d’autonomie dans le travail, mais aussi à ses valeurs.
“J’ai envie de faire perdurer une agriculture à taille humaine. C’est quelque chose qui compte pour moi et qui m’empêcherait peut-être d’arrêter d’être dans un métier agricole. J’ai hérité de ça : une agriculture respectueuse des êtres humains et du vivant, si j’arrête mon projet, si je passe à autre chose, dans un autre domaine, j'ai l’impression de trahir ces valeurs. L’engagement, c’est faire quelque chose qui à du sens, c’est super important, mais ça torture un peu l’esprit. Ça pourrait m’empêcher de faire autre chose.”
C’est la deuxième fois que l’on se voit. Elle me confie : “Je me sens encore plus perdue depuis la dernière fois. Elias a repris la crèche, ça fait un gros vide. Je pensais réfléchir à l'après de cette pause, à l'évolution de mon activité... Les idées ne viennent pas. Ce n’est malheureusement pas lorsqu’on le décide que les idées viennent. Ce serait trop facile.” Pendant notre discussion, on est interrompues. Le petit Elias, qui est alors gardé par sa tante, pleure beaucoup. Ça lui fait de la peine de savoir qu’il pleure. Elle n’avait pas imaginé être mère. “Je ne voulais pas d’enfant, ma vie, je ne veux pas qu’elle dépende de ça. Une fois que tu as un enfant, tu en es responsable tout le temps.” Puis, à presque 40 ans, avec son compagnon, ils se sont posé la question encore une fois. Ils ont des choses à transmettre, ils avaient des doutes : “Quels parents allons-nous être ?” “Quel enfant sera-t-il ?”
Avec le recul qu’elle a aujourd’hui, elle pense qu’elle avait peur d’être bousculée. Elias l’a forcée à lâcher prise, à abandonner en quelque sorte, à se dire qu’on ne peut pas tout contrôler. C’est un apprentissage. Elle se regarde parfois dans le miroir et a du mal à se dire que c’est bien elle, Mariannick, maman. C’est une force pour elle, être capable d’être mère, de suivre le rythme de quelqu’un d’autre, de ne pas trop mal le vivre, cela lui permet de vivre plus au jour le jour. Depuis l’année dernière, elle a donné la priorité à Elias. Cette pause, elle le dit, lui donne peut-être l’autorisation de passer à autre chose, de se sentir capable de se dédier à autre chose (en plus, ou à côté des plantes).
Elle n’a pas envie d’abandonner totalement les plantes médicinales et son implication dans la ferme. Elle souhaite transmettre la paysannerie à Elias : “Ça fait partie de l’héritage qu’il aura”. L’éduquer aux plantes, à la connaissance de la flore. Elle ajoute : “Dans le jardin, il cueille des fleurs ou des feuilles, il me demande du regard si c’est bon ou non. Un petit est obligé, pour sa survie, d’apprendre un tas de choses.” Et si nous aussi, parvenions à retrouver cette curiosité toute neuve ? Elle illustre cette idée par le dessin qu’elle pratique encore : “C’est comme lorsque l’on dessine de la main que l’on n'a pas l’habitude d’utiliser, le chemin entre la main et le cerveau est alors neuf, on désapprend pour être vraiment dans l’observation de la forme que l’on dessine, on se défait de nos prérequis.” L’expérience de la maternité et de voir grandir Elias l’ouvre à de nouvelles visions possibles. Et si l’on essayait d’oublier ce que l’on imagine connaitre pour aller vers de nouveaux savoirs, avec plus de spontanéité ? C’est ça aussi l’intelligence. Elle termine par “observer Elias, ça m’aide à aller vers de nouvelles choses pour moi aussi.”
Projet réalisé à la ferme des Petites Vergnes, avec Mariannick Granjon qui m’a parlé de son travail avec la création il y a 10 ans de “Herbes et Papilles”.
Ete 2023, Les Petites Vergnes, Dompierre-sur-Yon, France
Photos et textes par Solène Milcent
Ete 2023, Les Petites Vergnes, Dompierre-sur-Yon, France
Photos et textes par Solène Milcent